Complexe. La beauté de la Patagonie est complexe. Nous sommes en Septembre à l’heure où je commence à écrire ces lignes; et voici maintenant cinq mois que je dérive dans les canaux, d’Ushuaia à Chiloé. Il y a deux ans déjà, je rencontrais Frank et Marleen et sillonnait pour quelques jours le canal Beagle sur leur Ovni 365. Première rencontre avec ce monde à part, ses glaciers, ses vallées, son isolement, sa nature réduite à son minimum, qui déjà me laissait… perplexe. La beauté de Patagonie s’insinue en vous, se nourrit, grandit, mais on dirait que jamais véritablement elle ne fleurit. Canal Beagle En revenant deux ans après naviguer sur le canal Beagle, j’ai cru voir bourgeonner cette beauté. C’est revoir ces endroits, cette fois avec mon propre bateau, revivre ces glaciers, ces montagnes, ces toutes petites criques souvent très bien protégées appelées ici caletas, que j’ai savouré, et cru saisir, l’indomptable beauté de l’endroit. Tout avait pris de la matière dans mon esprit en deux ans, les couleurs maintenant avaient plus d’éclat, le froid était saisissant, l’eau de la transparence, les lumières de l’épaisseur. Peut-être était-ce de connaitre le prix de cette beauté qui m’a permis de l’apercevoir. D’avoir […]
Read MoreAvant de quitter Mar del Plata, j’avais le sentiment de partir pour un autre monde. Je savais ce que j’allais laisser derrière moi, la ville et la civilisation, mais ne savais pas du tout ce que j’allais découvrir. C’était à la fois fascinant et angoissant, et je ne savais pas encore à quel point cela allait être vrai. Déjà, il y a eu la traversée de ma première tempête, au large de Porto Madryn, qui a opéré un changement d’échelle sur ma manière de voir les choses. Ce qui semblait être grand ou important a soudainement pas mal rétréci pour prendre ce que je pense être maintenant sa juste place. La force de la nature est tellement puissante. Un petit voilier avec trois humains sans trop d’expérience ne livre pas grande bataille. Il se contente de subir et d’admirer la beauté des éléments déchainés. Avec l’humilité à la taille de l’événement. Ensuite il y a eu l’arrivée dans un endroit désertique, aride, minéral, coupé du monde. Après 4 jours en mer, l’arrivée à Caleta Sara, Isla Leone, Horno et Isla Tova a de nouveau opéré en un changement profond. La nature sauvage, à l’état brut, où les animaux sont rois. […]
Read MoreAprès la tempête, le calme. Le lendemain au petit matin, nous apercevons la côte. Brumeuse et pluvieuse en mer, aride à terre. Une terre ocre, sans arbres ni végétation visible. Un paysage désertique, lunaire. Ou plutôt martien aux vues des couleurs de la roche. Notre abri après ces 3,5 jours en mer se nomme Caleta Sara, une toute petite crique semble-t-il protégée des vagues et du vent. Le changement est radical. Nous nous enfonçons dans la crique minuscule, découvrons une petite cabane. De nombreux guanacos (lamas argentins) en train de brouter lèvent les yeux et la tête, nous regardent arriver avec curiosité. Le kelp, ces algues des hautes latitudes sont tout autour de nous et menacent de se prendre dans l’hélice ou les safrans. La concentration est totale, nous mouillons l’ancre, j’éteins le moteur. On savoure le silence, et on se laisse porter par l’émerveillement d’arriver dans ce qui semble être un nouveau monde. Rapidement, l’annexe est mise à l’eau et on se dirige vers la cabane, qui est en fait un club nautique. Une unique bouée permet l’amarrage d’un zodiac, et nous apercevons plus loin une poignée de kayaks. Les installations du Club consistent en un bâtiment carré très […]
Read More15 novembre 2016, 19h45. Je suis en mer, déjà au large des côtes Brésiliennes après avoir quitté Florianópolis la veille au matin. Le bateau avance bien. Du moins comme il peut avancer avec autant de barbe à la flottaison et de coquillages sous la coque. Une moyenne de 5,2 noeuds depuis le départ. Les couchers de soleil sont magnifiques ici, plus je prends du Sud, plus je sens que la lumière devient blanche. Plus brute. Super lune ? On me parle beaucoup de super lune. A la télé, sur internet. Je me souviens de l’éclipse de Super Lune l’année passée, j’étais au large du Cap Finistère en Espagne. Il ne me semble pas qu’on parlait de super lune durant mon enfance. Comment ça va être cette année ? La lune doit se lever maintenant dans moins de 10 minutes. Comme le temps s’est écoulé depuis la dernière super lune… Je me plonge dans les souvenirs de cette année passée. J’ai tout quitté, ma vie, ma famille, mes amis, mon travail. J’ai perdu mes repères, mes certitudes. Je me suis reconnecté à mes rêves, mes idéaux. J’ai traversé l’atlantique en solitaire alors que six mois auparavant je ne savais pas régler […]
Read MoreLa traversée vers le Brésil se joue en deux mouvements. Le premier bercé par les alizés, le second par le pot au noir. Les calmes. Les grains. La pluie. Le corps met cinq jours environ pour prendre le rythme, s’adapter, se laver de la terre. C’est vrai, la mer nous lave. Lorsqu’il ne reste plus rien, des jours durant, autour de nous, on se lave de tout ce que notre corps et notre esprit aura construit dans une vie entière d’adaptation au monde. Un retour à l’état naturel. Pur. Simple. Quand il n’y a plus rien, que l’on n’a plus besoin de rien, on se satisfait à soi-même. On est débarrassé des envies, jalousies, illusions, faux buts et faux espoirs, faux devoirs. De la peur de l’échec, de la peur du futur, de la peur de l’inconnu. Je n’ai pas eu peur au large. À se demander si tous ces poids qu’on se trimballe sont réellement les nôtres… Je ne suis pas le seul à faire ce constat, Moitessier en parle dans La Longue Route, Saint Exupéry dans Terre des Hommes. De cette peur qui nous hante et nous empêche. Nous façonne au point de ne même plus parfois arriver à voir que c’est elle […]
Read MoreJe savais que quitter les Canaries tournerait la page européenne du voyage, mais j’ignorais que l’arrivée au Cap Vert ouvrirait un nouveau chapitre si différent, important. Inattendu. La traversée a duré six jours. Accompagné par mon vieil ami Léo, alias MAN, les jours passèrent au rythme de l’Harmattan, ce vent venu du Sahara qui transforma le bateau en caravane bédouine rouge de sable. Mais aussi des levers et couchers de soleil, de lune, des étoiles, et des quelques empannages pour tirer nos bords au grand largue. J’ai tout entendu sur le Cap Vert et Mindelo, énormément de mises en garde : insécurité, misère et pauvreté, « tu verras c’est vraiment l’Afrique ». Voir même manque d’intérêt, ennui, rien à faire, à visiter, à manger. Et pourtant, lors de notre arrivée nocturne, nous n’étions pas encore amarrés que déjà j’explosai : « j’adore le Cap Vert ! ». L’ambiance particulière, magique et chaleureuse de la baie de Mindelo éclaire la nuit et diffuse son flegme déjà quelques milles au large. Le lendemain nous nous promenons en ville, et l’impression se confirme. Les gens sont souriants accueillants, chaleureux. Tout semble simple, les visages sont doux et gentils. Les rues sont pleines de charme, la vie est paisible. […]
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