Já volto !
Bien que le bateau n’ait pas beaucoup bougé ces derniers mois, on ne peut pas dire qu’il ne se soit rien passé. Ces jours ci, ce sont les derniers préparatifs avant de reprendre la mer et de rejoindre Salvador, à cinq jours de navigation.
Ce départ est pour moi irréel. Ce n’est pas le même Julian qui avait quitté la Rochelle il y a un an jour pour jour. Je n’arrive pas à me dire que c’était la même personne. Depuis tant de choses se sont passées, les trois mois de voyage avec Roxane, puis des Canaries au Cap Vert avec mon ami MAN, la transatlantique en solitaire jusqu’au Brésil, l’arrivée majestueuse à Fernando de Noronha, la rencontre avec Thaísa, le voyage de trois mois en Europe, puis le retour au Brésil.
Pourquoi être venu trois mois en Europe ? Pour ne plus avoir à y revenir, pour faire mes adieux. La Suisse et la France m’ont vu grandir, ont pourvu à mon éducation, mon instruction, à mes premiers pas dans la vie. Quelle énergie. Mais quelle énergie j’ai dépensée pour essayer de m’adapter à un monde qui n’était pas le mien. Le fait de revoir tout ça cet été fût un choc incroyable. A m’éloigner lentement de mon ancienne vie, je n’ai pas perçu la profondeur du changement qui opérait en moi.
J’aurais aimé être de ceux à qui cette vie plait, j’aurais aimé être de ceux qui arrivent à faire leur trou, bien entendu que j’aurais préféré m’accommoder de ce que toute cette société d’homme blanc a réussi à construire. Ici, au Brésil les gens en rêvent : instruction, droits de l’homme, siècle des lumières, droits des femmes, paix, confort et sécurité au quotidien, raffinement, gastronomie, argent, emploi. Impossible pourtant de leur dire que ce sont des chimères, et le 21ème siècle risque bien de lever le voile là-dessus.
Mais c’est plus fort que moi, je n’y peux rien. Je n’y arrive pas.
Depuis que je suis rentré au Brésil, ma vie a retrouvé ses couleurs. Tout ici me semble plus simple, plus naturel. Et malgré tous leurs problèmes, les gens sont drôles, passionnés, émotifs, chaleureux. Ils se disent qu’ils s’aiment, se prennent dans les bras, pleurent, se font des embrassades, se soucient des uns des autres. Tout ici flotte dans un joyeux désordre, où rien ne fonctionne comme il le devrait, mais tout finit toujours par se faire.
Après avoir déposé mes bagages au bateau, j’ai sauté dans le premier bus pour rejoindre Thaísa à Campina Grande. Trois mois que nous ne nous étions pas vus, trois mois qu’on s’écrivait tous les jours pendant des heures. En tout plus de vingt mille kilomètres parcourus, puis encore une heure de train, deux heures de car, une heure de bus, avant d’arriver à son université où elle n’a pas hésité une seconde à s’échapper du cours pour me sauter dans les bras.
Je resterai plus de dix jours avec elle, à partager sa vie de tous les jours, rencontrer ses amis, fêter des anniversaires dont le mien. Elle m’emmènera à l’université et je suivrai plusieurs cours, nous irons promener et doucher les chiens abandonnés dans un centre associatif, faire des fêtes dans les maisons des uns des autres, revoir la famille d’Amora que j’aime beaucoup. Nous prendrons le bus des millions de fois, irons à la pharmacie, en ville acheter des trucs, nous irons manger des espetinhos, discuter à Intregração. Je ne m’attarderai pas sur tous les bonheurs que j’ai vécus avec elle ces quelques jours, toutes ces fois où nous rigolerons ensemble, de sa capacité incroyable à rendre le quotidien joyeux, à regarder la vie avec tendresse, humour et passion.
Je peux décrire la sensation que cela m’a procuré, et en quelques mots : je me suis senti à ma place. Chez moi. Dans mon foyer.
Après quatre mois passés ici, dans quelques jours je sais que je vais partir, mais tout est différent. Car j’ai la chance d’avoir trouvé mon foyer. Mais malgré tout, j’ai décidé de reprendre mon tour du monde, car je n’arrive pas à m’enlever de la tête l’idée de faire le tour de la planète.
Je ne le fais pas sans peurs. Car décider de ne plus rentrer en Europe transforme ce voyage en vie nomade. Je ne sais pas comment je vais vivre, je ne sais pas par où je vais passer, je ne sais pas comment je vais faire pour gagner de l’argent et subvenir à mes besoins.
Je crois en ma bonne étoile, je crois en la prévenance de la mer si on la respecte, je crois profondément en l’humanité.
C’est ce qui a le plus changé. J’ai commencé à croire. Cela a commencé durant la transatlantique, par la superstition : « ne dit pas qu’il n’y a pas assez de vent, tu vas en avoir trop ». J’ai commencé à croire au mauvais oeil, qu’il ne fallait pas perturber. J’ai appris une certaine humilité face à la nature, comme un rite initiatique pour savoir si la mer allait m’accepter où non, si elle allait m’accueillir dans son nouveau monde.
Puis en arrivant au Brésil, j’ai découvert tant de croyances : que ce soit en Dieu, en l’équilibre des planètes ou des forces de l’univers, en la réincarnation, en des déesses africaines… La vie m’a offert trop de coïncidences, je ne peux plus penser que les choses arrivent par hasard. Plus je me laisse aller, plus je vis des choses fortes et rencontre des gens incroyables, comme si c’était écrit, comme si cela devait se dérouler ainsi. Par le passé, j’ai toujours voulu tout contrôler, et cela n’a jamais marché…
Alors j’ai décidé de lâcher prise, totalement, et de faire confiance.
Et dans le pire des cas, quoi qu’il arrive, je sais que sur terre existe un endroit où mon coeur se sent bien, et que si je veux, je peux y retourner.
« Palan. Ensemble de poulies servant à multiplier l’effort sur un cordage. La force du palan est considérable.
Ainsi, il y a longtemps, l’une des montagnes de Tahiti a été emmenée jusqu’à la baie de Paopao sur l’île voisine de Moorea, à l’aide d’un palan multiple que les habitants avaient sculpté dans la coquille des nacres du lagon. Mais ils ont d’abord ceinturé la montagne avec un cordage tressé dans l’écorce des buraos de la côte Ouest. Et si beaucoup de gens maintenant ne croient pas à cette histoire vraie, c’est peut-être parce qu’ils ont oublié qu’autrefois les hommes croyaient en quelque chose. »
Bernard Moitessier – La Longue Route
Eduardo Oribe
20 septembre 2016God speed et bons vents.
Si tu as besoin de donnees quand tu approches l´Uruguay, contacte moi.
A un de ces jours dans ce petit grand monde.
Eduardo
Les Juju
26 septembre 2016Pourquoi te mettre des barrières (ne plus revenir par ex) ? Laisse faire la vie, on ne sait jamais… Mais nous sommes tellement heureux de ta nouvelle optique et sois toujours en accord avec toi meme….
Bons vents…. Nous pensons tres fort a toi
Bizzzzzzzz
Michael Kuszla
27 septembre 2016Dépouillement. Eclosion. Simplicité.
Le réel commencement de cette aventure devait se faire avec un nouveau web dépouillé (tu croyais que je le verrais pas :-P).
Continue à écrire. Je te le redis.
(N’oublie pas que tu auras un éditeur aussi :-P)
Julian
1 mars 2017Merci Milk pour tes encouragements, les affaires reprennent après une longue descente où le temps passait trop vite pour écrire ! Mais le Grand Sud est réellement inspirant…
Alex et Nolan
6 janvier 2017Le bonheur c’est de se trouver tout simplement, et alors d’être heureux, en osmose avec soi même..
Tommy
2 mars 2017Ma langue maternelle ce n’est pas francais….mais j’en suis sûr qu’on ne saurait mieux dire!!! (-;